[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]he Charlatans ont sorti leur treizième album, Different Days, dans une indifférence quasi générale en France. En Angleterre, après 30 ans de carrière, le groupe s’est classé en quatrième position des charts et affiche sold out dans des salles de 5 000 personnes. La venue en France de ces légendes mancuniennes est rare. Addict-Culture a profité de leur passage à La Maroquinerie de Paris pour saisir l’ambiance de la première date européenne de leur tournée. Reportage.
Le calme avant la tempête. Un ciel bleu et un soleil aveuglant n’arrivent pas à compenser le froid qui vous saisit en remontant la rue Boyer dans le 20ème arrondissement de Paris. Tout en haut de cette rue typique du quartier de Ménilmontant se trouve La Maroquinerie, salle dans laquelle les mancuniens de The Charlatans vont donner le concert de lancement de leur tournée européenne.
Le groupe s’est donné rendez-vous à 16h pour la balance. Habitant aux quatre coins du Royaume-Uni, ils arrivent séparément, valise à la main, l’air un peu perdu, ne trouvant pas l’entrée de la salle. Seuls Tim Burgess et Mark Collins, noyau dur du groupe, sont immédiatement identifiables avec leur look de rock stars. Impossible de rater Tim, plus petit qu’on ne l’imagine, avec sa coupe au bol peroxydée et ses vêtements deux tailles trop grandes pour lui. Les autres membres ressemblent plus à de bons pères de familles, la cinquantaine bedonnante. Ils sont accompagnés en tournée par l’ancien batteur de The Verve, Peter Salisbury, qui nous accueille sourire jusqu’aux oreilles, comme si nous faisions partie de la famille. Le nord de l’Angleterre a beau être pluvieux et glacial, ses rocks stars sont souvent les plus sympathiques qui soient.
Une fois tout le monde arrivé, l’agitation est palpable. Les membres du groupe ne se sont pas revus depuis quelques temps, il va falloir reprendre ses marques. Les retrouvailles et les accolades entre toute l’équipe passées, Sophie Williams, leur tour manager depuis 12 ans, prend les choses en mains. Si elle semble un peu dépassée par les événements au premier abord, cette blonde aux yeux bleus cache bien son jeu. Très proche du groupe, elle bousculera tout le monde pour que le planning soit respecté, et elle veille à ce que tout se passe dans les meilleures conditions pour le groupe. « J’ai dans un premier temps managé Tim en solo, avant qu’il ne me demande si j’étais intéressé pour gérer les tournées du groupe. J’ai passé beaucoup de temps avec eux. Peut-être même un peu trop (rires) ». Cela se confirmera par la suite, le groupe travaille en famille.
Les répétitions commencent avec quelques minutes de retard. Tim est détendu. Il affiche un grand sourire et nous confie : “L’heure consacrée à la balance va être primordiale. Nous n’avons pas eu le temps de répéter”. Avantage d’être un groupe international, les membres du groupe n’ont pas eu à installer leur matériel. Un roadie et une ingénieure du son aux accents incompréhensibles du nord de l’Angleterre se sont occupés de tout depuis le début de l’après midi. L’ambiance est bon enfant, les blagues fusent. Les cinq membres vont jouer la quasi intégralité de Different Days à un niveau sonore à vous exploser les tympans. Solidaires, à chaque fausse note ou blocage, ils s’entraident pour se remémorer les accords. Entre chaque titre, Tim a son portable à la main. Il passe du temps sur les réseaux sociaux et consulte ses anti-sèches pour se remémorer les paroles. Les Charlatans, après 30 ans de carrière, ne montrent aucun signe de routine ou d’ennui. Investis dans leurs morceaux, nous avons l’impression d’assister à un concert sans public. Tim danse et investit la scène, Tony Rogers ne cache pas son plaisir derrière ses claviers. Tim prend même la pose pour le photographe Alain Bibal, venu documenter les balances à l’invitation du groupe. Deux titres se démarquent, Plastic Machinery, single toutes guitares dehors qui prend encore plus de puissance en live. À l’opposé, Hey Sunrise ne perd rien en douceur et subtilité.
Une heure tout rond et c’est au tour de la première partie, Average Sex, d’investir la scène pour les balances. Le groupe s’est formé à Londres il y a un peu plus d’un an. Leur batteur, Finnegan Kidd, au look de pop star gothique ne quitte que rarement ses lunettes de soleil. “J’accompagne Tim Burgess pour ses tournées solo depuis quelques années. Notre chanteuse Laetitia est française, mais nous vivons tous à Londres. Nous avons déjà joué avec les Charlatans en Angleterre. Avoir un tel soutien de leur part est une chance. Nous aurions aimé les accompagner sur toutes les dates en Europe, mais avons tous des jobs alimentaires qui nous en empêchent”.
Pendant ce temps, les Charlatans se détendent dans leur minuscule loge. Fruits, snacks, bouteilles d’alcool et soft drinks sont à leur disposition. On leur demande si eux aussi avaient des jobs en parallèle au début du groupe. Martin Blunt, bassiste et membre fondateur du groupe nous répond le premier “Gynécologue !”. Les autres membres semblent embarrassés. Mark rattrape le coup : “Ce n’était pas évident tous les jours. J’ai eu des jobs aussi glamours que vendeur de kebab ou nettoyeur de moquettes”.
À 18h pétantes, Sophie vient chercher Tim qui doit donner deux interviews. Le reste du groupe en profite pour vaquer à d’autres occupations. Dans trois heures ils seront sur scène. Il est temps de profiter un minimum de Paris.
À quelques minutes du début du concert, le groupe, séduit par la qualité du son de la salle pendant les répétitions, a hâte de monter sur scène. Mark nous confirme : “C’est agréable de jouer dans une petite salle. Ça nous arrive seulement pour des occasions exceptionnelles en Angleterre. Nous jouons rarement en France. Chaque concert s’apparente à un événement. Celui-ci est particulier, c’est le premier de l’année”. Les Charlatans ont pourtant passé du temps ensemble depuis la fin de leur tournée anglaise en décembre dernier. Tim nous apprend que le groupe s’est remis au travail dans leur studio. “Nous avons juste mis quelques idées sur la table pour voir où ça pouvait nous mener. C’est le tout début du process. Il est difficile à ce stade de parler de nouvel album. Nous passons plus de temps ensemble que les gens imaginent. Entre les tournées, les réunions, les répétitions, les sessions d’enregistrement, on se quitte presque pas”.
Mais pour l’instant le groupe doit se produire devant 500 personnes, dans une salle pleine à craquer. Le public a principalement la quarantaine et la cinquantaine. Des fans français de la première heure mais aussi beaucoup de britanniques qui n’en reviennent pas de voir jouer un groupe d’une telle renommée dans une salle aussi petite. Parmi eux, Dave Haslam, journaliste, écrivain et DJ résume parfaitement l’heure et demie de concert : “C’était génial d’entendre des chansons plus récentes comme Solutions et Talking In Tones. Malgré une carrière aussi longue et des albums qui ne se ressemblent pas, un concert comme celui de ce soir démontre à quel point il y a une continuité dans leur travail. Il en ressort une atmosphère positive, unique. Un mélange de son rock, mod, madchester, dance ou bien hippy ». A la sortie de la salle, tout le monde est unanime, le concert était de haute volée.
Amis de longue date, c’est vers Dave Haslam que Tim Burgess s’est tourné pour organiser un aftershow dans un club parisien très privé, le Silencio. L’univers de ce club a été conçu par le réalisateur David Lynch. Grand fan de l’univers torturé de l’Américain (il a même lancé une marque de café s’appelant Tim Peaks ndlr), Tim mourrait d’envie de découvrir l’endroit et d’y passer quelques disques. “J’ai amené quelques cd pour l’occasion, j’espère qu’on va tous passer un bon moment”. Le premier titre joué, Heaven Or Las Vegas des Cocteau Twins laisse une bonne partie des présents perplexes. Il enchaînera ensuite des grands classiques qui vont progressivement déchaîner le dance floor. L’apothéose sera le morceau final, Hey Boy, Hey Girl des Chemical Brothers. Un mélange de l’équipe de tournée ayant probablement fréquenté l’Hacienda (club légendaire de Manchester ndlr), et de riches gamins parisiens ne font plus qu’un. Pas de clivage de génération ni de classe, le Silencio ce soir casse les idées reçues. Dès son set terminé, Tim doit quitter le club. Il est deux heures du matin. Il faut rejoindre le bus et les autres membres du groupe pour prendre la route vers Amsterdam. Il demande avant de partir si le concert et le DJ set ont été à la hauteur. On lui rappelle qu’au regard de cette soirée, il serait bien qu’il n’attende pas encore sept ans pour venir se produire à Paris.
Crédit photos : Alain Bibal
Merci à Marion Pacé
Bel article, passionnant !