Heidelberg – Karlstorbahnhof Kulturhaus – 29/11
Voir Idles en concert, après la claque prise avec Brutalism, était une obligation. Il fallait que je sache si le clash allait être au rendez-vous, là aussi.
Joe Talbot arrive sur scène, tout de blanc vêtu, traverse la scène de long en large, en jetant des coups d’œil à la foule pas encore du tout consciente de sa présence. Mais il ne s’arrête pas. Continue de la gauche vers la droite. Un tigre.
Petit à petit, les voix s’atténuent, la curiosité prend le dessus, les lumières baissent mais laissent encore voir les quatre musiciens s’installer. Le costume démarqué, sans logo, blanc.
Tout commence par une sorte de litanie grave, qui sonne presque comme un hommage, avant la montée en puissance, le début de la crise de nerfs.
Le mur de rythmique se met en place, la basse d’Adam Devonshire, réglée à fond, résonne comme des coups de feu. Les terribles paroles s’imposent comme une demande de comptes faits par un petit garçon en colère. Celui qui constate, grogne, énumère et finit par exploser.
Le mot qui vient à l’esprit dans un premier temps est : inexorable.
L’origine de la colère, les mots, leur répétition, comme on assène des coups de marteau, ou comme… quand il se frappe la poitrine, manifeste expressif de la compréhension et du rejet.
Combien de fois faudra-t-il encore vous répéter l’absurdité de cette vie ? Combien de fois faudra-t-il vous donner le tempo pour tout envoyer péter et que vous le fassiez ?
La puissance de l’énergie de ce groupe est immense.
Mention hallucinée au batteur, Jon Beavis, véritable machine, qui tient tout au creux de ses mains. La basse dont on ne peut s’échapper, jamais, nous emprisonne dans l’absolue narration. Deux guitares, agressives mais jamais vraiment solo, jamais vraiment en communication non plus, s’occupent de maintenir la pression tout en s’amusant, sorte de nananère brutal mais tout en maîtrise… enfin sauf quand le guitariste Mark Bowen quitte la scène pour pogoter avec la foule.
Joe Talbot est vraiment habité par certaines de ses déclarations. Le regard peut se figer, et, en quelques mots assénés, peut sembler sur le point de craquer complètement. Vous avez déjà vu ce regard sombre, qui se prolonge dans une focale où plus personne n’a de sens ou de netteté, juste avant la colère et les coups ? De temps en temps, cet homme semble être sur ce fil-là. Celui de la colère sourde qui explose enfin, mais heureusement, ici, bien encadrée par une forme, une écriture et une raison.
Parce que cet homme ne perd pas du tout les pédales. À la fin de chaque morceau, il remercie, vanne le pogoteur le plus zélé, mais sans moquerie, réussit à entrer en contact avec le public… et s’amuse. Combien de fois pendant ce concert s’est-il offert des ponctuations de « Dancin’ on the ceiling » ou des ajouts de Mamase makossa… ? Ou encore la moins love song de toutes les love songs qui n’existerait pas sans l’ironie avec laquelle il réussit à la traiter… L’humour est une vraie composante des Idles.
Et quel final !
Quand tout a commencé simplement, découpe de la voix claire sur trois instrus, le final exubérant résonne comme un tremblement de terre, pendant lequel toute la vanité et la vacuité de ce monde s’entend. Tout ce qui a été expliqué, moqué, répété, hurlé, s’enclenche une dernière fois en commun, dans un crescendo encore une fois inexorable, puant l’urgence et la suprême prise de plaisir.
Une petite mort. Générale.
Dates françaises :
04/12 Belfort – La Poudrière
05/12 Rouen – Le 106
06/12 Lille – L’Aéronef
07/12 Paris – Le Point Éphémère COMPLET
20/04/2018 Paris – Trabendo