L’oppressant prologue de The Salvation met en place plusieurs fausses pistes qui feront la singularité de ce petit western à l’éclat noir : d’abord, l’espoir de quitter, après une épreuve douloureuse, la noirceur vers le soulagement lumineux de la vengeance. Ensuite, justement, de voir se construire une intrigue univoque fondée sur un affrontement bilatéral, entre le bon pour sa famille et l’ordure pour son frère.
Cette noirceur ne se dissipera pas, contaminant la belle photographie, de cette nuit meurtrière sous la lune aux reflets mats d’une ville cramée, échos à l’un des enjeux du film ces mares de pétrole dont on ne sait pas encore toute la valeur. Balafrant les visages, contaminant la communauté impuissante face au mal (un brin forcé en la personne de Delarue), transformant chaque individu en charognard ou en victime, elle annonce les grands sacrifiés sur l’autel du capitalisme naissant, qui se permettent encore la barbarie d’un pays à l’aube de la civilisation.
Mutique, le protagoniste (Mads Mikkelsen, aussi minéral et efficace qu’à l’accoutumée) encaisse l’horreur avec la même dignité que la mise en scène la restitue : c’est là l’une des qualités du film que d’accentuer son pathétique non par l’emphase, mais grâce aux béances de l’ellipse.
Certes, les exactions ne font pas toujours dans la mesure ; on peut regretter que l’austérité initiale (beaux mouvement lents se déplaçant dans les architectures intérieures notamment dans l’embrasure d’une porte qui évoque un clin d’œil mélancolique à l’épilogue de La Prisonnière du désert) fasse place, dans l’assaut final, à une sorte de débauche d’effets assez superfétatoires. On est particulièrement navrés du recours aux incendies numériques, d’une laideur totale. C’est certes plus économique, mais quelle rupture dans l’illusion, quelle repoussoir…
Il reste que dans sa tonalité générale, sèche et désespérée, obscure et mutique, The Salvation est un film plus que méritant.