[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]X[/mks_dropcap]Xème siècle, an de grâce 1984. Ivo Watts-Russell, fondateur du label 4AD, rassemble les musiciens les plus en vue de son label (Cocteau Twins, Dead Can Dance, Cindytalk, Modern English pour ne citer que les plus connus) pour créer le supergroupe des années quatre-vingt, This Mortal Coil, dans le but de remettre en lumière d’obscurs musiciens des 60’s/70’s (Big Star, Tim Buckley sur It’ll End In Tears, Pearls Before Swine, Judy Collins, Gene Clark pour Filigree et Syd Barrett, Mary Margaret O’Hara, Chris Bell pour Blood) et de les inclure à des compositions originales. De part le design (Vaughan Oliver à la palette graphique) et la qualité de l’ensemble, les trois albums, sortis entre 1984 et 1991, deviendront, évidemment, cultes.
XXIème siècle, an de grâce 2009. Stéphane Grégoire, boss du label Ici D’ailleurs et fondu de musique électro et expérimentale, décide, avec l’aide de musiciens de son label (Matt Elliott, Chapelier Fou) mais pas que (Yael Naïm, Bonnie Prince Billie, Yann Tiersen, Sylvain Chauveau), de créer un supergroupe à la façon d’Ivo Watts-Russell. Le concept, très gonflé, sera que chacun des artistes reprenne un morceau des cultissimes Coil. Le projet, en référence à celui du boss de 4AD, se nommera This Immortal Coil et recevra un accueil plutôt positif, aussi bien public que critique (la reconnaissance ultime viendra tout de même de Peter Christopherson, très touché par l’initiative, et le résultat, de Stéphane Grégoire). Concernant votre serviteur, l’enthousiasme fut beaucoup plus modéré. Peut-être est-ce lié à l’éclectisme du casting, au choix des morceaux, mais toujours est-il que si parfois ça fonctionne (Ostia), souvent, soit on sent tout le poids des compositions de Coil altérer la qualité des reprises, soit elles sont à côté de la plaque. Mais ça reste mon ressenti.
L’année suivant la sortie de The Golden Age Of Love, Peter Christopherson décède, enterrant définitivement Coil. This Immortal Coil en reste là jusqu’en 2017 où, au détour de conversations multiples et variées avec divers musiciens, revient l’envie, chez Stéphane Grégoire, de prolonger l’aventure.
De nouveau, appel aux musiciens, bouche-à-oreille et casting à l’arrivée beaucoup plus cohérent. Cohérent de par le fait que ceux qui répondront présent sont issus, pour la plupart, d’univers proches de Coil et connaissent le répertoire des Anglais. Reviendront donc Christine Ott et Matt Elliott et se grefferont dessus les membres d’Orchard (Baker, Claus, Tisserand et Laurino), Pupillo de Zü, trois membres (ou presque, Stian Westerhus faisant figure d’électron libre) d’Ulver, trois de Zëro, des électroniciens (Aho Ssan), d’autres venant du classique (Chalmin, Cipolli, Bognetti). Le répertoire choisi balaiera beaucoup plus large, du plus pointu (Stolen & Contaminated Songs) au plus accessible (Musick To Play vol 2) et s’attardera plus sur la phase lunaire du groupe (Backwards, The Ape Of Naples, Musick, Moon’s Milk) que celle solaire (LSD, Stolen & Contaminated).
Le résultat est à l’image du visuel : so(m)bre, très élégant et réussi. Très probablement du fait des choix des morceaux, traitant moins la veine Indus/expérimentale que celle Ambient, atmosphérique du groupe. Mais également du parti pris, plutôt radical, d’utiliser très peu d’électronique pour les arrangements. L’éclectisme des musiciens impliqués, venant du classique, de l’expérimental/drone, du metal, du rock permet au collectif de se réapproprier l’essence de Coil, apportant une profondeur inattendue au disque. L’impresssion qui prédomine est celle d’un véritable travail collectif et non d’une somme d’individualités, une réflexion sur les arrangements, boisés, très proches dans leur traitement du classique (cf Corybantic Ennui, Dark River), amenant sur certains morceaux une dimension plus poignante encore que l’original (Cold Cell) ou hypnotique (Magnetic North ou, toujours, Cold Cell). Quant au travail sur les textures, il est souvent bluffant : Where Are You ? aussi lancinant qu’anxiogène, explore une veine Doom qui lui sied bien mieux que la version initiale, A White Rainbow, à l’origine incantatoire, hypnotique et expérimental devient ici blafard, spectral, et, grâce l’apport de Shannon Wright, s’oriente presque vers les territoires éthérés des Cocteau Twins. Idem pour le choix des interprètes : outre Shannon Wright, Matt Elliott ou Kristoffer Rygg (chanteur d’Ulver), plus ou moins proches de l’univers de Coil, celui de Márton Csókás, acteur à l’origine, est à la fois surprenant et d’une grande justesse. Très certainement parce que Jhonn Balance, à défaut d’être un véritable chanteur, a toujours été un interprète/conteur exceptionnel. De ce fait, quoi de plus logique alors qu’un acteur pour interpréter le répertoire de Coil ? Sur les deux morceaux chantés par le Hongrois, si Fire Of The Mind (version The Ape Of Naples plutôt que Backwards) est conforme aux attentes, l’interprétation de Going Under, en revanche, est assez saisissante. Très proche du Nick Cave de Hollywood sur Ghosteen et surtout, comme Balance, sur le fil de la justesse, elle apporte une authenticité, une mélancolie qui se fond parfaitement aux arrangements organiques du morceau, clôturant de façon assez majestueuse un exercice d’une rare difficulté.
E]n somme, à quelques exceptions près (Titan Arch, pour lequel il manque à Kristoffer Ryggs l’emphase d’un Marc Almond, ou encore Dark River, peut-être trop sage, à qui on ajouterait bien une bonne dose de LSD), The World Ended A Long Time Ago est une réussite quasi exemplaire. Un des rares disques de reprises pensé non pas comme une compilation mais comme un album, avec une vision globale, cohérente et juste de l’oeuvre de Coil. Ce qui, à mon humble avis, et malgré ses qualités, faisait défaut à The Dark Age Of Love. Certes, il aura fallu attendre treize ans, mais le tir est corrigé, et de fort belle manière.
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The World Ended A Long Time Ago – This Immortal Coil
Ici D’ailleurs – 09 décembre
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Image à la une : This Immortal Coil/2022/Service Presse