[dropcap]I[/dropcap]l y a ce moment fragile, cette impasse où la peur engendre elle-même une crainte de revoir inlassablement l’angoisse vous envahir. Il y a cette sensation de répétition comme une fâcheuse tendance à tourner en boucles infinies. Il y a ce groupe perdu du côté de Gdańsk, ce son aux allures hypocondriaques qui vibre des enceintes. Il y a Trupa Trupa qui nous chamboule, nous percute avec un cinquième album dopé d’une cohérente ambivalence, alternant entre noirceur abrasive et psychédélisme cagneux.
Alors forcément, le contexte qui entoure l’enregistrement n’est pas anodin. Imaginez la claustrophobie de notre monde sous cloche avec ses démons qui ressurgissent du passé. Histoire d’appréhender ce qui vous attendra à l’écoute du disque, les polonais nous renvoient à une réflexion bien au-delà des sphères purement artistiques. La musique évoque alors, dans son ressenti le plus ombragé, l’indispensable devoir de mémoire.
Le désert de la nature humaine où la haine et le génocide ne sont pas seulement des réverbérations lointaines de l’histoire de l’Europe centrale, mais résonnent toujours dans la réalité contemporaine.
Le porte-voix Grzegorz Kwiatkowski s’époumone autant qu’il bruit dans la pénombre, invoquant autant Can que Fugazi, références prestigieuses et assumées au rang des influences notables de la formation. Le tableau est dressé. B Flat A est bien plus tranchant, bien plus dense et que son prédécesseur Of The Sun (sorti en 2019).
Plus brut dans son exécution donc et illustration flagrante dès les coups secs, les cris à la machette et le vacarme en pleine ébullition de Moving. La course haletante laisse place nette à des roulements féroces avant qu’une mise en suspension aux saveurs âpres ne nous prenne à la gorge sans que nous puissions rétorquer. Trupa Trupa attise les tensions, injecte en profondeur, jusqu’à irriter nos nerfs, une potion combinant une sorte de folie opaque à des balancements capiteux.
Visons ici la léthargie émanant de titres comme Lines ou Lit Lit, les allures empruntées aux versants fantomatiques « made in 60’s » de Uniforms ou les réminiscences floydiennes d’All and All dont les claviers se noient dans les profondeurs de battements lents. Avec Uselessness, le retour des vrombissements est de mise pour un assemblage incisif dont les pics traversent la peau avant de se frotter littéralement à notre colonne vertébrale. Le titre Sick est quant à lui est un déroulé maladif, glaçant, strident… Nous ne sommes plus si loin du malaise… Il aura lieu au contact de la transe grisâtre du mot de la fin, ses volutes sous sédatif qui consentent au murmure voilé et l’once bien pesée du mystère étouffé.
Avec mesure inquiétante ou grand fracas lourd, Trupa Trupa durcit le ton. L’univers tout autour s’écroule.
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B Flat A – Trupa Trupa
Glitterbeat / Modulor – 11/02/2022
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Image bandeau : Rafał Wojkzal