Il avait plu des oiseaux morts.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#c75014″]C[/mks_dropcap]’est ainsi que débute le premier roman de Victor Pouchet, Pourquoi Les Oiseaux Meurent, publié chez Finitude. De quoi s’agit-il ? De pluies d’oiseaux, exactement. Inexpliquées, étranges et dont on parle aux journaux télévisés.
Notre héros, Victor Pouchet, s’empare de ce fait divers intriguant et décide de rejoindre la région de Rouen pour en avoir le cœur net. Utiliser la voiture, il ne peut pas – sans permis, comme bon nombre de Parisiens – le train est trop rapide et impersonnel, alors prendre le bateau et remonter la Seine semble être le meilleur moyen.
Embarquer à bord du Seine Princess marque le début de l’aventure : au milieu des retraités, remonter le fleuve jusqu’aux racines, à la région de son enfance, à Bonsecours. Car, Victor le sait, si ces pluies avaient eu lieu à Aubagne ou Pau, il aurait balayé l’information et l’aurait oubliée rapidement. Mais là, il s’agit de ses terres, qu’il n’a pas foulées depuis longtemps. D’ailleurs, ce sera peut-être l’occasion de prendre des nouvelles de son père ; Victor ne compte pas, mais cela semble faire un long moment…
Chez moi, c’est chez moi ! avais-je crié au poste de télé. C’était chez moi qu’avait eu lieu ce déluge, dans la ville où j’avais passé, avant de m’installer à Paris, les pires et meilleures années de ma vie, c’est-à-dire une enfance.
Mais c’est aussi une histoire d’oiseaux. Non loin de la fascination, Victor les aime depuis toujours. Il se souvient avec émotion de l’adoption du perroquet vert et jaune tacheté de noir qu’il avait récupéré à sept ans. Un oiseau qui avait fini par devenir fou, et lui aussi mourir dans une drôle de circonstance désespérée. Victor s’était mis alors à dessiner des oiseaux morts, partout, et avait développé une forme d’obsession pour tout ce qui tournait autour d’eux, de Hitchcock aux études ornithologiques.
J’avais tout repris à zéro. Je lui avais raconté Bonsecours, Blainville, Bardouville, les pluies récurrentes, le perroquet cinglé. « Rien ne tombe sur rien par hasard ». J’ai l’impression que les oiseaux se sont écrasés sur moi, sur mon village, sur mon enfance, ou peut-être sur tout autre chose. Sur nous. Sur notre obsession pour les chutes. Les journaux nous épuisent avec leur crise, avec leur « sentiment collectif d’écroulement ». C’est devenu une deuxième peau, la crise. On ne s’en rend même plus compte. Tout le monde vit avec la crise, dans la crise. Mais des oiseaux tombent du ciel, et personne ne les regarde.
Victor n’est pas comme son entourage, le tracé de sa vie n’est pas cohérent, n’a pas de lignes claires. Il vivote, se laisse porter par le vent. Cette histoire d’oiseaux, c’est un sursaut qui le secoue soudainement. C’est un signe de quelque chose, il ne sait pas de quoi mais il sent que sa place est là-bas. Là où tous ces oiseaux sont tombés et là où il a grandit.
Partir là-bas c’est se sentir à nouveau vivant et retrouver qui il est. Découvrir des ancêtres, retisser des liens, s’improviser enquêteur et défenseur des causes perdues. Fouler les mêmes chemins et dormir à nouveau dans sa chambre d’enfant.
Pourquoi Les Oiseaux Meurent est l’histoire d’un moment où tout prend un sens, alors même que rien n’est expliqué. Il s’agit de ce moment de basculement, offert à celui qui en a besoin et sait lever la tête, au milieu du tumulte. Victor Pouchet signe un premier roman doux et poétique, naïf au premier abord et qui prête à sourire. Mais c’est aussi un texte qui diffuse bien plus de profondeur après la lecture. À laisser infuser, et à relire après une respiration.
Les éditions Finitude s’installent définitivement dans le paysage éditorial français. Après le succès incontesté de En attendant Bojangles signé Olivier Bourdeaut, la maison dessine une ligne éditoriale cohérente et de qualité. Addict-Culture lui souhaite encore de belles découvertes et aventures romanesques.
Pourquoi les oiseaux meurent de Victor Pouchet
paru aux éditions Finitude – 7 septembre 2017
PS: Victor Pouchet sera l’un des invités du festival On rentre ! Fête du livre qui aura lieu du 29 septembre au 1er octobre à St Philbert de Grandlieu (près de Nantes).