[dropcap]L[/dropcap]e 12 mars dernier, lorsque je me rendais au concert solo acoustique de Pete Fij à la Cantine de Petit bain, j’étais très loin de me douter que 7 mois plus tard, je le reverrais à Londres avec Adorable.
« Il est question ce soir d’un commencement, de quelque chose de nouveau, il s’agit de profiter du moment présent (…) car à la fin de notre carrière, tout s’est effondré, nous ne nous parlions plus, notre label n’en avait plus rien à foutre de nous, la presse détestait notre nouvel album (NDLR Fake), plus personne ne venait à nos concerts… c’était une fin déprimante. Et pendant des années, c’est le souvenir que j’ai gardé de la fin d’Adorable. C’est donc l’opportunité de réécrire cette fin (…) juste le temps d’une soirée, et après ça, nous allons retourner dans l’ombre. Profitez du moment présent… ma mère qui est ici ce soir, m’a dit un jour « Ce ne sont pas les choses que l’on fait que l’on regrette, ce sont plutôt celles que l’on ne fait pas« , c’est pourquoi nous avons décidé de revenir jouer ensemble. Et je vais vous demander à tous de penser à cela, pensez à quelque chose que vous n’avez pas encore fait et que vous pourriez regretter plus tard, rentrez chez vous et faites-le ! ».
C’est par ces mots que Pete Fij introduit l’explosif Homeboy, ce samedi 2 novembre 2019 au Bush Hall à Londres.
Bruxelles, 11 novembre 1994. Avant d’entamer le show, le chanteur annonce en français : « Après ce soir, Adorable n’existe plus, ce soir est notre dernier concert« . Entre ces deux dates : 25 ans, 2 albums, 7 singles et des faces B qui méritent une oreille attentive. Puis un méchant calendrier vient précipiter la chute du groupe de Coventry, après 4 ans à peine d’existence.
En 1994, quand sort le 2° album, c’est la fin du shoegaze, Oasis vient d’être signé sur leur label, Creation. Adorable ne va pas résister au mastodonte « Gallagher » et à la déferlante britpop. Pete Fij jouera quelques temps dans Polak avec son frère. Il fera ensuite deux très bons disques avec Terry Bickers (ex. House of Love) avec lequel il a donné quelques concerts, 6 en Europe dont un passage au Pop In à Paris. Aujourd’hui, il travaille 3 jours par semaine dans une maison de retraite (The Shelley, qui a reçu de nombreux prix) en tant que coordinateur d’activités et d’événements.
[dropcap]M[/dropcap]ais revenons à notre soirée, ce samedi 2 novembre au Bush Hall, une ancienne salle de danse située dans l’ouest londonien. Avec sa façade bleue, elle ressemble à une maison de poupée. L’ambiance est calme et feutrée, moquette sur le sol, lustres anciens accrochés au plafond, lumière tamisée… même le petit bar situé dans le hall d’entrée est cosy. Quelques t-shirts aux noms de groupes familiers (My Bloody Valentine, Ride, Slowdive…) confirment que nous allons bien assister à un concert shoegaze, pas à une pièce de théâtre. On commence à s’activer au petit stand de « merchandising » qui vend les quelques articles qui n’ont pas été dévalisés lors des 2 soirées précédentes.
Nous montons visiter le petit balcon où nous croisons quelques personnes âgées, parmi lesquelles, nous le saurons plus tard, la mère de Pete Fij. Le public, essentiellement composé de quadras, arrive au compte-goutte. La première partie consiste en un film de 35 minutes (« La Cabina« ) projeté sur un écran au-dessus de la scène, mais nous sommes bien trop occupés à nous battre pour acheter un t-shirt avec une taille décente (comprendre : pas trop grand pour une nuisette !) pour y prêter attention.
Le quart d’heure qui précède le début du concert nous semble durer une éternité !
Le show démarre sur les chapeaux de roue avec I’ll be your Saint, un de leurs meilleurs singles. La voix de Pete Fij est toujours aussi bonne, il arbore encore sa fameuse jacket blanche (il nous dira plus tard qu’il en possède 3 exemplaires, ce qui lui a permis de la porter invariablement sur scène depuis 25 ans). Robert Dillam (guitare) sur scène est un véritable ressort, il encourage régulièrement le public à exprimer son enthousiasme.
Ce qui est bien quand on est en Angleterre, c’est que l’ensemble du public entonne toutes les paroles par cœur. Favourite Fallen Idol est jouée efficacement avec son énergie punk. Deux face B viennent compléter la setlist impeccable, parfaitement équilibrée entre premier et deuxième album : le superbe Sunburnt (face B de Sunshine Smile) puis Summerside, dans une très belle version guitare-voix. Sur le tubesque Sunshine Smile, tout le monde chante les paroles à s’époumoner. Et bien sûr, Sistine Ceiling Chapel, enchaînée avec ma préférée, Cut#2.
Pete parle peu entre les chansons et hormis son discours avant Homeboy, il intervient juste une fois ou deux, notamment pour demander qui est venu de loin. Beaucoup de mains se lèvent et de fait, nous avons entendu parler français, allemand, italien et savons que de nombreux pays et continents sont représentés (États-Unis, Amérique latine…). La magnifique Breathless nous tient suspendus juste avant la pause.
Mais le titre sans doute le plus emblématique et le plus intense, celui qu’on n’est pas près d’oublier, c’est Homeboy, joué au rappel. À chaque refrain, le public saute dans un même élan comme si un concours de saut en hauteur avait été décrété secrètement. Le très émouvant A Fade to in clôt le concert. « And I don’t want to be a faded memory« … Et non, cette soirée ne nous laissera pas un souvenir terni.
[dropcap]L[/dropcap]es lumières se rallument. Lumières qui, d’après Robert, étaient meilleures que la veille au même endroit car un ingénieur a été engagé entre temps. Nous attendons que les musiciens viennent à la rencontre du public. Nous parvenons difficilement à aborder Pete Fij qui, bien que très sollicité, prend le temps de nous parler avec une gentillesse et une attention devenues rares.
Je lui demande si Electricity Board, le teddy bear qu’il m’avait présenté en mars (j’avais eu le privilège de le tenir dans mes mains) est présent ce soir. Il répond qu’il ne l’amène jamais aux concerts d’Adorable car la musique est trop rock pour lui !
Les 3 autres membres du groupe, Kevin Gritton (batterie), Robert Dillam (guitare) et le bassiste Stephen ‘Wil’ Williams sont aussi accessibles que le chanteur. Les émotions se lisent sur les visages à l’occasion de ce qui ressemble fortement à des retrouvailles, et il y en a certainement ce soir même, si d’après Robert, c’est surtout lors du 1er show (le 31 octobre au Hebden Bridge Trades) que les vieux amis étaient là.
Il est temps de sortir de notre bulle. Nous regagnons l’extérieur le cœur rempli de joie, avec le sentiment d’avoir assisté à une soirée très spéciale et d’avoir pris part à une belle histoire, tout au moins une very happy end.
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