[dropcap]A[/dropcap]près quelques mésaventures éditoriales et la décision de prendre lui-même en main la distribution de ses ouvrages, Pierre-Julien Marest continue d’étoffer son catalogue, entre littérature et cinéma, proposant des textes atypiques dont celui qui nous intéresse aujourd’hui, deuxième roman de Didier da Silva à paraître chez Marest (après Le Dormeur publié en octobre dernier).
Masao est mort, il a mis fin à ses jours. Son fantôme découvre alors les possibilités qui s’offrent à lui et va rôder dans les environs, observant les réactions des proches du jeune homme, profitant de cette capacité inédite à passer d’un corps à l’autre, de pouvoir être insecte ou goutte d’eau dans un torrent.
C’est un fait, une part de lui est dans la chambre. Il sait combien il pèse au gramme près, il est le matou qui trotte trois rues plus loin et la rigidité cadavérique de ses orteils, la mouette qui passe (il n’ose pas la suivre jusqu’à la mer) et sa poitrine livide sous sa chemise ouverte, son nombril exposé à l’air ».Didier da Silva
Étonnant par son postulat de départ, le (court) roman de Didier da Silva l’est également par le ton général du récit, loin de toute emphase, évitant la tentation dramatique. Le fantôme, puisque c’est par ses yeux que l’on suivra le récit, se montre au contraire plutôt léger, presque badin, très agréablement surpris, en tout cas, par l’élargissement considérable de son champ des possibles. La mort, finalement, semble lui réussir mieux que la vie. Des raisons de son suicide, d’ailleurs, on ne saura rien, pas plus que les proches de Masao, dont aucun n’avait vu le drame arriver. « Jeune homme aimant, équilibré et apprécié, encore indécis sur son choix de carrière mais loin de toute neurasthénie, généralement enthousiaste et hardi, au contraire, et plein de projets », tel est le portrait que font de lui ses amis Ryù et Hiromi dont il ne peut que constater le chagrin mais également la colère provoquée par son geste. Cependant, c’est lorsque ses parents arriveront qu’il prendra réellement la mesure de l’étendue de leur désolation.
« Convertie en kilowatts-heure, la douleur de Mme Ôta creuserait un cratère sur le parking, éteindrait tout système électrique dans un rayon de cinq cents mètres, calcinerait les buissons de fusain qui bordent l’entrée de l’institut (…) La douleur de M. Ôta se contenterait d’ouvrir un abîme sous ses pieds. »
Devenu simple spectateur du monde des vivants, Masao finira par rencontrer d’autres fantômes, errant comme lui sur les lieux de leur disparition. Il connaîtra néanmoins finalement la même solitude au royaume des morts que dans celui des vivants. Mais peu lui importe, les sentiments semblant avoir disparu de ce qui le constitue désormais.
La Mort de Masao est un texte étonnant, on l’a dit, léger et délicat, tendre et volontiers ironique, voire caustique. Didier da Silva y met en scène ce que nous avons tous pu imaginer un jour, à savoir assister à nos propres funérailles et pouvoir observer en toute discrétion les réactions de nos proches. Expérience douce-amère, la lecture de ce roman, à la fois grave et léger, se teinte parfois de nostalgie. Voyage intimiste dans un Japon esquissé avec finesse, La Mort de Masao séduit. Il se dégage de ses pages un charme discret mais prégnant, auquel il sera difficile de rester insensible.
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La Mort de Masao de Didier da Silva
Marest éditeur, avril 2021
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Image bandeau : Gabriel / Unsplash