[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]e 12 février 2016 au soir, Viola Beach se produit dans le cadre du festival Where’s the music au sud de Stockholm. Le jeune groupe est un des grands espoirs du rock anglais, comme Albion en porte régulièrement sur les fonts baptismaux pour perpétuer la glorieuse lignée de ceux qui lui apportent tant de rayonnement dans le monde libre depuis des décennies. Le concert, le premier qu’ils donnent hors de leur pays, terminé, Kris Leonard, River Reeves, Tomas Lowe et Jack Dakin, âgés entre 19 et 27 ans, et leur manager Craig Tarry, reprennent la route à bord de leur voiture.
La Nissan arrive sur un pont mobile et là, inexplicablement, au lieu de s’arrêter comme la file de véhicules qui les précèdent et patientent sagement derrière une barrière, force le passage, passe une deuxième barrière et vient percuter l’autre partie de l’ouvrage qui vient de commencer à s’élever, puis plonge dans le canal 25 mètres plus bas. Les cinq occupants sont tués sur le coup.
En Angleterre, ce fait divers a fait grand bruit en raison de la notoriété naissance de Viola Beach, alors qu’il est passé inaperçu de notre côté de la Manche. En leur hommage, et pour capitaliser sur l’émotion diront les mauvaises langues, un album posthume a été assemblé à partir de leurs singles Swing & Waterslides et Boys that sing, placés respectivement en première et dernière position de ce disque éponyme, et d’autres morceaux enregistrés par le groupe. Et il est arrivé tout en haut des charts anglais le 5 août.
Alors, comment appréhender l’écoute d’un disque dans ces conditions ? Peut-on éprouver un plaisir sincère et sans arrière-pensée en sachant que les jeunes gens que l’on entend chanter et jouer ont tous disparu brutalement quelques mois plus tard. La réponse s’avère vite positive. Parce que Viola Beach est un disque joyeux, positif, et même solaire et galvanisant. On y entend le rock britannique de toujours, capable de plaire au plus grand nombre (en tout cas le grand nombre qui n’écoute pas de la trap, du dubstep, de la grime ou que sais-je encore), mais croisé avec des influences caribéennes assez étonnantes de la part de jeunes blancs du rural Cheshire, au nord-ouest de l’Angleterre. On se croirait parfois revenu au beau milieu des années 2000, quand il était incontournable pour tout jeune groupe de faire apparaître au sein de sa palette sonore un bout d’Afrique. C’est Vampire Weekend qui vient vite à l’esprit à l’écoute de Like a fool, le deuxième titre.
Ailleurs, la scansion reggae sur la plupart des titres ou la rythmique ska de Drunk ne semblent pas forcées mais profondément naturelles, et l’album reste frais et léger. Sans faire de comparaison, The Clash avait déjà défriché ce type de collisions culturelles. La voix de Kris Leonard est suffisamment plastique pour, sur leur morceau phare placé ici en ouverture, Swing & Waterslides, évoquer Liam Gallagher sur le couplet et Chris Martin sur le refrain. Des références loin d’être d’un bon goût incontestable, mais le résultat s’écoute avec grand plaisir. On regrette juste qu’il se mette à brailler inutilement tout au long de Get to dancing : c’est le seul morceau enregistré en session à la BBC, mais on ne voit pas le rapport.
Les paroles parlent, sans surprises, de filles et de soirées qu’on termine dans un état qui n’a plus qu’un très lointain rapport avec la lucidité. Une insouciance et des préoccupations conformes à leur âge, et qui sont venues se fracasser dramatiquement le 12 février.
On ne saura jamais ce que Viola Beach aurait produit après ces prémices pleines de promesses. Il nous reste juste à réécouter ces morceaux comme un témoignage plein de vie.
Viola Beach est sorti le 29 juillet 2016 sur le label du groupe, Fuller Beans Records.
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