[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#ff0000″]A[/mks_dropcap]la fin de la tournée nord-américaine de The KVB dont il est la moitié avec Kat Day, Nicholas Wood a déjà une idée précise de ce que serait cet album: il constituera le deuxième volet de son projet solo et parallèle, Saccades, initié en 2017 avec un album éponyme. Mais alors qu’il ne pensait peut-être pas lui donner vie aussi rapidement, la crise sanitaire va en décider autrement.
Ainsi, dès le début de 2020 et le premier confinement, coincé entre les quatre murs de son appartement, Nicholas regarde le monde par le prisme de sa fenêtre, devenu le lien avec un extérieur qui lui est désormais interdit la majorité du temps, hors permission de sortie pour affaires urgentes ou essentielles, selon la formule consacrée.
Je pensais la vie sur la route quelque chose de définitivement acquis, or désormais ce n’est plus possible
S’en suit naturellement un travail d’introspection: les odeurs et les souvenirs du passé ressurgissent alors d’autant plus que le musicien est récemment revenu en Angleterre, sa patrie, après avoir séjourné à Berlin (où The KVB avait enregistré un album dans le studio d’Anton Newcombe du Brian Jonestown Massacre). C’est donc avec la nostalgie chevillée au corps, notamment celle créée par les souvenirs de tournées (« je pensais la vie sur la route quelque chose de définitivement acquis, or désormais ce n’est plus possible ») que le musicien se met au travail, avec en filigrane la perception d’un monde qui change sans qu’on puisse en modifier la trajectoire. Simplement au mieux la suivre, au pire la subir. Et puis il pense aux écrits de J. G. Ballard, cet auteur de science-fiction chez qui il a souvent puisé son inspiration et dont certains des livres s’articulent autour d’une catastrophe naturelle conduisant à un monde post-apocalyptique. Comment ne pas faire le lien, évidemment ?
Ainsi, nourri des histoires de personnes espionnant leurs voisins pendant le confinement, faute d’activités plus enrichissantes, Nicholas a imaginé ce que pouvait être ce “monde Ballardesque, fait de paranoïa et d’isolement » et en a créé la bande-son, entre shoegaze et dream-pop, d’une beauté presque virginale comme le monde d’avant, et même d’avant celui d’avant…
Le disque commence avec la douceur ouatée de Islands Past, ballade aérienne qui pose le LA d’une ambiance qui se veut avant tout paradoxalement rassurante. On est plus proches des susurrements de Greg Gonzalez de Cigarettes After Sex que du mur de sons et des synthés dégoulinants de The KVB, mais au moins, nous sommes mis dans l’ambiance immédiatement et comprenons que Saccades n’est pas un clone de The KVB, mais porte une vraie identité, aussi belle et profonde que le mal-être qui le nourrit. Et comme souvent dans de telles circonstances, le résultat va être magistral.
Des treize titres que composent cet album, il est difficile d’en extraire un ou deux tant l’ensemble s’inscrit dans une parfaite harmonie. Dès lors on se plait à s’imaginer à notre tour ce à quoi peut ressembler le monde vu d’une fenêtre d’un appartement, portés que nous sommes par les sons shoegaze, post-rock et même parfois electro ambient. On pense notamment à Air et à Mogwai (All Divided Selves, Like Everyday), et même parfois au trip-hop de Massive Attack (Heat) en se disant qu’en apesanteur, le monde est définitivement plus beau que celui que l’on devine depuis nos lucarnes étriquées, comme sur Day Dreamer, dépeignant « une épidémie d’apathie balayant le monde, où après s’être ennuyé aussi longtemps, tout le monde se complait dans le fait de ne plus rien faire ».
Et puis arrive la dernière piste, Lady Blue, surprise du chef et même contre-pied total qui vient de sublime manière nous rappeler au bon souvenir du grand Serge Gainsbourg, dont on découvre que Nicholas Wood est fan. Et ce, au moment même où l’on célèbre ici et là les 30 ans de sa disparition, au cours d’émissions dégoulinantes d’hommages posthumes ou reprises larmoyantes dont la plupart sont, disons-le, certainement dispensables. Ce qui n’est pas le cas ici car s’il y en a bien un que l’on ne pourra pas taxer de récupération et dont la sincérité et le talent ne peuvent être mise en cause en l’espèce, c’est bien le musicien anglais qui sur fond de thème de Melody Nelson, propose avec ce titre un clin d’œil à l’Homme à la tête de chou aussi émouvant que réussi à travers une composition originale et fidèle aussi bien dans l’esprit que dans la forme. Si l’exercice était pour le moins inattendu, il s’avère néanmoins particulièrement heureux et donne ce supplément d’âme que l’on trouve une fois de temps en temps.
D’âme c’est bien de cela dont il est question ici et c’est justement ce qui fait passer ce disque de la catégorie « très réussi » à celle de ceux qu’il faut avoir sur ses étagères. En tout cas, il est déjà sur les miennes, et en bonne place.
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Flowing Fades – Saccades
9 AVRIL 2021 – FUZZ CLUB RECORDS
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Crédit image mise avant : Kat Day