Après les westerns, les thrillers et les polars urbains, Laurent Astier revient là où on ne l’attendait pas : dans l’intime. Et il y plonge totalement. La Force de Vivre est un récit autobiographique pudique et vibrant, l’histoire d’une amitié fondatrice, celle qui marque une vie à jamais. Une déclaration à un ami disparu, mais surtout une ode à ce qui nous porte : les liens, les rencontres et l’influence aussi éternelle que positive d’une relation intime.
« Dès leur rencontre, une amitié forte va naître entre Cyril et Laurent. De celles qui font grandir et changer pour le mieux. L’un, extraverti et solaire, est l’opposé de l’autre, timide et sombre. Le lien qui les unit est pourtant indicible et inexplicable. »
─ Laurent Astier, La force de vivre
Cyril, c’est l’ami solaire. Celui que l’on repère immédiatement dans une pièce. Charismatique, costaud, généreux, drôle. À ses côtés, le jeune Laurent se découvre, s’émancipe, s’affirme. Ensemble, ils traversent les années 80–90, entre rock (les références à Nirvana, Rage Against The Machine ou même The Kills sont délivrées au compte-gouttes), soirées, premières amours et rêves de grand départ. L’âge où la vie est encore une promesse. Puis vient la bascule : la maladie, l’incompréhension, les traitements, les espoirs suspendus, la rechute. Et l’absence. L’absence qui creuse, qui façonne. Celle qu’on apprivoise mal, mais à laquelle il faut pourtant donner du sens.
Laurent Astier arrive particulièrement à capter l’essence d’un lien, sans fioriture et sans le moindre cliché. Une amitié d’hommes, d’égal à égal, faite de regards, de silences, de taquineries et de fidélité inconditionnelle.
Le récit est habilement construit. La mort de son ami est admise d’avance, évoquée dans le résumé de l’éditeur. Laurent Astier a l’élégance et la bonne idée de ne pas en faire un twist macabre. Et l’on découvre, durant la première partie du récit, la naissance de cette amitié au début de leur vingtaine. Par le plus grand des hasards, Laurent s’installe en colocation sur le même palier que Cyril. Et, comme on dirait aujourd’hui, ça « match » rapidement. Au fil du récit, on se prend à espérer être un peu le Cyril ou le Laurent de quelqu’un.
Et puis la maladie arrive. Pas tant comme une rupture que comme une épreuve. Après le bleu sur les premières pages, la monochromie jaune devient rose au moment de l’annonce de la maladie puis verte, pour accompagner les changements de ton. Laurent n’idolâtre plus Cyril, il l’accompagne, le soutient. Et l’amitié devient plus franche, plus solide. Éternelle. Au point d’en faire un indispensable ouvrage au trait fluide et expressif, qui ne cherche jamais le spectaculaire : tout est au service du récit.

Mention spéciale à l’apparition d’un personnage imaginaire, The Force, super-héros à l’image de Cyril, qui vient sublimer le récit en l’élevant au rang de mythe intime. Le symbole d’une immortalité dessinée, offerte en guise d’adieu.
La Force de Vivre, c’est à la fois un récit de jeunesse, un portrait d’époque, un témoignage sur le deuil et une célébration de la mémoire. Une BD bouleversante, mais jamais larmoyante. L’auteur ne cherche pas à attendrir, il raconte — avec pudeur, avec justesse, avec amour.
Une lecture précieuse, qui laisse le cœur un peu serré, mais rempli de gratitude. Pour ceux qu’on a croisés. Et pour ceux qui continuent de vivre en nous.