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✨ En cette période de préparatifs des fêtes de fin d’année nous vous proposons, comme l’année dernière, de retrouver nos conseils de cadeaux de Noël ! Et parce que la littérature n’a pas d’âge il sera question ici d’ouvrages de tout temps !
Retrouvez l’ensemble de nos conseils ici ✨ [/mks_pullquote]
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]I[/mks_dropcap]ls sont peu nombreux les livres à nous avoir fait rire en cette rentrée mais c’était sans compter sur la sortie de ce roman de Fabrice Caro, alias Fabcaro, célèbre pour ces bandes dessinées drôles et mordantes (Zaï Zaï Zaï Zaï, Et si l’amour c’était aimer, Moins qu’hier, plus que demain …).
Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, de l’absurde il y en a aussi dans Le discours. Vous êtes prévenus, préparez vos zygomatiques pour Noël.
Dans ce roman absolument délicieux, nous entrons dans un double univers, celui du monologue intérieur et celui du huis-clos familial. Adrien, quadragénaire, est attablé chez ses parents avec sa sœur et son beau-frère pour le traditionnel gigot familial, dessert gâteau au yaourt (qu’il croit !) quand soudain son parfait beau-frère, Ludovic, lâche la phrase fatale « Tu sais, ça ferait très plaisir à ta sœur si tu faisais un petit discours le jour de la cérémonie. » Panique à bord ! Il aimerait dire non, Adrien, mais… il accepte. Il accepte alors qu’il a franchement l’esprit et le cœur ailleurs. Auprès de Sonia qui a souhaité faire une « pause » dans leur relation. Sonia, à qui il a envoyé un message à 17h24, faussement dégagé, après trente huit jours de silence, « Coucou Sonia, j’espère que tu vas bien. Bisous ! » et qui l’a lu à 17h56 et ne répond pas. Alors un discours… lui dont la vie amoureuse est plutôt chaotique. Et qu’est ce qu’il pourrait bien dire lors de ce discours ? Que sa sœur et lui ont une complicité folle alors qu’après toutes ses années elle ne sait toujours pas qu’il n’aime pas les poivrons ? Que son beau-frère est un homme super cool alors que franchement ses discours sur le permafrost il n’en a que faire ?
Lui ce qu’il voudrait, c’est avoir une réponse de Sonia. Même si à la réflexion, son SMS n’est quand même pas très clair. Plutôt fermé. Voire même complètement ridicule, que celui ou celle qui n’a jamais agi ainsi lui jette la première pierre…
Il voudrait bien s’échapper de ce dîner où il semble être invisible, inconsidéré. L’histoire de sa vie. Il voudrait rattraper sa bourde avec le SMS. Il voudrait ne plus avoir à écouter les digressions de son père, les grandes théories de son beau-frère. Ne plus voir ce porte-serviette à la forme évocatrice, ne plus voir les yeux mielleux de sa sœur lorsqu’elle écoute son futur mari ramener sa science. Il voudrait bien savoir ce que fait Sonia qui ne répond pas. Et puis, qu’est-ce qu’il va bien pouvoir raconter à ce foutu discours ?
Il se veut festif et léger mais il n’est que larmoyant et inquiet. Un message parfait de sobriété gâché au tout dernier moment, dans le tout dernier mètre. Pourquoi ne pas m’être contenté d’un simple point ? Un point final dans toute sa splendeur, au sommet de son art, qui conclut dignement une merveilleuse histoire d’amour et part sans se retourner, princier, un point serein, mesuré, au flegme britannique, un point qui n’attend rien en retour, que le bonheur de l’autre, mais qui le laisse en réalité dans un vide abyssal. Derrière un point final, on n’a qu’une seule envie, c’est que rien ne finisse.
Fabrice Caro, à travers cet anti-héro attendrissant, ce loser mélancolique et angoissé, parvient avec brio à nous faire éclater de rire par tant de situations absurdes, caricaturales (encore que !) mais dans le fond extrêmement réalistes. Il pose un regard sans concession sur les relations humaines, familiales et amoureuses, sur nos propres comportements, passifs, désenchantés, abstraits. Des comportements que l’on auto-alimente, un penchant pour l’autoflagellation, encore plus dans cette société de l’instantané.
Le discours est en quelque sorte un panaché de tous nos petits travers relationnels, de notre incapacité à communiquer. C’est finement observé, plein de bon de sens, on tourne les pages sans s’en apercevoir, coincé dans ce dîner, entre la mère, le beau-frère et le porte-serviette. Entre le gigot et la tarte. Et l’on rit du début à la fin en s’apercevant que, finalement, c’est peut-être plutôt bien de nous dont on rit le plus.