[dropcap]H[/dropcap]ormis la chronique dominicale de mon confrère Davcom, il est rare que nous évoquions le jazz en ces colonnes. Alors, pour cette première évocation depuis … ouhhhhhhhhhhh … nous allons faire dans la rareté rare en nous intéressant au jazz féminin ou du moins un quartet emmené par une femme. Sincèrement, hors performance vocale, des exemples de leadership féminin dans le jazz vous en voyez beaucoup vous ? Alice Coltrane, Carla Bley , Joëlle Leandre, Sylvie Courvoisier ou plus près de nous Matana Roberts sont les rares noms qui nous viennent en tête.
Tomeka Reid donc est une une violoncelliste de 42 ans, native de Chicago, résidant à New York, au passé musical plutôt chargé. Elle commence à pratiquer les gammes dans différents orchestres pendant plus d’une décennie (en gros à partir de 2000 jusqu’en 2012), dans lesquels elle côtoie autant l’ancienne génération (Braxton, Roscoe Mitchell) que la nouvelle (la flûtiste Nicole Mitchell ou encore le batteur Mike Reed). En 2012, avec Hear In Now, elle se lance dans l’aventure du leadership. La demoiselle étant certainement très timide, elle commencera par une collaboration (avec Mazz Swift et Silvia Bolognesi) puis franchira le pas en créant son propre quartet avec Jason Roebke à la basse, Mary Halvorson à la guitare et Tomas Fujiwara à la batterie. Elle sort en 2015 chez Thirsty Ear (label très éclectique doit-on le rappeler, capable de sortir Matthew Sheep comme Robert Wyatt, Biosphere comme Anti-Pop Consortium), un très remarqué premier album homonyme. Quatre ans et un changement de label plus tard (Cuneiform, label tout aussi éclectique mais légèrement plus pointu que Thirsty Ear), le quartet revient avec un Old New, synthèse d’avant-gardisme et de classicisme, parfaitement réussi.
[dropcap]D[/dropcap]éjà, la formule choisie par Reid est assez épatante : un quartet qui respecte la parité et donne le meilleur rôle aux femmes (lead + guitare), c’est suffisamment exceptionnel pour être remarqué. De plus, en choisissant de n’intégrer aucun cuivre à son orchestre, le groupe déjoue les clichés du jazz et peut ainsi proposer une approche à la fois simple et complexe de sa musique. Simple dans le fait que la musique sera dépouillée, directe, allant à l’essentiel. Simple dans les phrases d’accroche musicale, accessibles et plutôt harmonieuses, qui auront tendance à très vite se complexifier grâce au dialogue par moment surréaliste entre la guitare folle de Mary Halvorson et le violoncelle free de Tomeka Reid. Simple enfin (en apparence du moins) grâce la section rythmique, fluide, sautillante, s’adaptant aux moindres changements et d’une rare élégance, qui posera une assise sur laquelle l’auditeur pourra se raccrocher dès que Reid et Halvorson partiront en vrille. Maintenant, si cette simplicité vous ennuie, sachez qu’il y a dans Old New suffisamment d’audace pour vous ravir. Car outre le socle, très free (Edelin et Peripatetic en sont les preuves irréfutables), le quartet s’emploiera à brouiller les pistes autant que faire se peut, en puisant notamment dans une culture très éclectique, incluant le rock (on est parfois très proche d’un Tortoise, sur RN), le psychédélisme (le traitement des guitares sur certains morceaux ) et le Jazz contemporain (Spring Heel Jack ou les Australiens de The Necks).
Il en résulte un disque frais, urbain, vivifiant, passionnant dans son ambition (celle de couvrir au final l’histoire du jazz, en passant par la case blues) surprenant dans ses choix (ou plutôt celui de faire le non choix entre tradition et innovation) et qui fonctionne excellemment grâce à l’alchimie de quatre musiciens en parfaite symbiose (faut dire aussi que Halvorson et Fujiwara jouent ensemble dans une demi douzaine d’orchestres et se connaissent par cœur, ce qui aide légèrement me direz-vous).
Bref, grand disque aventureux et accessible et, de toute évidence, un must-have de 2019.
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Tomeka Reid Quartet – Old New
Sorti le 04 Octobre dernier et disponible chez Cuneiform Records en numérique ainsi qu’en cd
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