[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]R[/mks_dropcap]etour en images et en mots sur la cérémonie de remise des prix Libr’à Nous 2018, qui s’est déroulée cette année encore, le 2 mars dernier, dans le cadre superbe du Centre Wallonie-Bruxelles, devant un public nombreux et passionné.
C’est Romain Slocombe, lauréat 2017 dans la catégorie polar pour L’Étoile Jaune de l’Inspecteur Léon Sadorski, (éditions Robert Laffont/La bête noire), parrain du Prix Libr’à Nous 2018, qui a lancé la cérémonie avec son humour caractéristique et sa franchise habituelle :
« Je suis en train d’écrire un très gros livre, plus d’un million de signes. Dans ce livre, on assiste au tournage d’un film, le premier long métrage de Robert Bresson. Ce film avait des dialogues de Jean Giraudoux. Pour me documenter, j’ai lu les mémoires de la productrice, celles du Révérend Bruckberger, qui était conseiller sur le film, et le texte de Jean Giraudoux bien sûr. Et je me suis aperçu qu’il y avait beaucoup de points communs entre le roman et le cinéma, notamment les choses essentielles. La première chose, c’est le scénario, puis vient le montage, ensuite les dialogues et la mise en scène, qui consiste à se faire oublier. La position de la caméra est très importante, mais il ne faut pas que le spectateur s’en aperçoive, puisqu’il doit être complètement immergé dans l’histoire. Un roman, c’est pareil. Il faut que lecteur soit parmi les personnages. Et j’en viens aux prix littéraires. Les deux principaux prix littéraires de 2017 ne présentaient aucune des qualités que je viens d’évoquer… Voilà. Je ne veux pas dire que les prix littéraires ne servent à rien. Ils servent à faire vendre des livres auprès de gens qui ont beaucoup d’autres choses à acheter… Il faut que les livres se vendent, que les maisons d’édition et les librairies vivent, et que quelques grosses ventes fassent tourner ces grosses machines. En vieillissant, je réfléchis… Et je me dis qu’il y a assez peu de professions vraiment utiles et fondamentales. Il y a d’abord les métiers de survie – infirmier, agriculteur, boulanger… Et puis il y a les métiers indispensables à la survie spirituelle de l’humanité : il y a les créateurs, les enseignants et les libraires. Et là, j’englobe les éditeurs. Les libraires sont une profession essentielle. Car à côté de ces prix importants qui font tourner la machine économique, il fallait un prix qui soit intruquable, incrochetable. Et c’est le Prix Libr’à Nous… »
Polar
Le lauréat Libr’à Nous 2018 dans la catégorie Polar est Todd Robinson, pour Une Affaire d’Hommes, traduit par Laurent Bury, paru aux éditions Gallmeister.
Oliver Gallmeister : « C’est le privilège de l’éditeur que de recevoir des prix pour un travail auquel il a pris peu de part, puisque c’est l’auteur, Todd Robinson, qui a écrit et son traducteur, Laurent Bury, qui le fait lire en français. Je les remercie, je vous remercie. »
Todd Robinson : « Merci infiniment. Merci à mon éditeur Oliver Gallmeister qui me permet d’être publié ici. Merci également à toute l’équipe, car 80% des raisons pour lesquelles j’écris est constitué par le soutien de mes éditeurs et de mes lecteurs, ceux que je rencontre dans les librairies et les bibliothèques. Et merci aussi à cet homme-là (Laurent Bury), que je soupçonne d’avoir, de temps à autre, pris le livre que j’avais écrit pour en faire quelque chose de mieux. Merci à lui.«
Littérature étrangère
Le lauréat de la catégorie Littérature étrangère est Richard Wagamese pour Jeu Blanc, paru aux éditions Zoé. Sa traductrice, Christine Raguet, vient recevoir le prix : « Nous sommes très peu nombreux ici. Richard Wagamese nous a quittés beaucoup trop tôt, en mars 2017. Il faut remercier tous les lecteurs de Richard Wagamese. J’ai eu froid avec lui, j’ai tremblé avec lui, je me suis mise en colère avec lui, et c’était une expérience forte et émouvante.«
Imaginaire
Le lauréat de la catégorie Imaginaire est Jaroslav Melnik pour Espace Lointain, traduit du lituanien par Margarita Leborgne et paru aux éditions Agullo.
Jaroslav Melnik : « On m’a dit qu’à Paris, la semaine dernière, il faisait -5°. Il y a quelques jours j’étais chez moi, à Vilnius, où il faisait – 20°. Il y a quelques semaines j’étais en Espagne, et il faisait 25°. Nous vivons dans différents climats, sous différents régimes, et cela me plaît beaucoup (…) Quand on me demande qui je suis, je dis que j’appartiens à l’humanité. Je suis d’origine ukrainienne, je parle russe, je connais le totalitarisme. Et dans mes livres, je parle de liberté, ce qui est l’essentiel. On ne peut pas vivre dans un espace proche, c’est l’esprit humain qui nous pousse à aller loin, c’est cela la liberté. L’espace lointain. Je suis content que mon livre soit dans la catégorie « Imaginaire ». Car l’imagination, c’est une vie alternative, presque surréaliste. Enfin, je suis très sensible au fait que ce prix soit décerné par 250 libraires. Ce qui veut dire que c’est le texte lui-même qui a été apprécié. Merci également à ceux qui ont conçu ce prix vraiment indépendant : je ne suis pas sûr qu’il existe la même chose dans d’autres pays.«
Margarita Leborgne : « J’ai été très contente d’être utile !«
BD
Le lauréat de la catégorie BD est Timothé Le Boucher, pour Ces Jours qui Disparaissent, paru aux éditions Glénat.
Timothé Le Boucher : « Je suis vraiment touché par ce prix. Cela fait plusieurs mois que je tourne dans les librairies pour présenter Ces Jours qui Disparaissent. Avant, je ne réalisais pas bien ce qu’était le métier de libraire. Toutes les rencontres que j’ai faites m’ont permis de comprendre à quel point le libraire est un maillon important de la chaîne. Des livres comme le mien peuvent vraiment être portés par les libraires, merci à eux.«
Roman Ado
Le lauréat dans la catégorie Roman Ado est Gary D. Schmidt pour Jusqu’ici, Tout Va Bien, traduit par Caroline Guilleminot et publié par L’école des loisirs.
La traductrice Caroline Guilleminot lit un message de l’auteur : « Cette nouvelle, qui m’arrive au cœur du Michigan, où je travaille à mon prochain roman, collé à mon poêle à bois car il fait très froid ici, me remplit de chaleur. C’est une chose d’être seul dans une petite pièce et de taper des mots pour bâtir un roman, c’est une autre chose de savoir que ces mots font leur chemin tout autour de la planète. Ce chemin, je vous le dois, à vous et au dur travail que vous effectuez pour mettre des livres entre les mains de jeunes lecteurs. Il y a peu de métiers aussi importants que celui de libraire, je vous salue et je vous remercie beaucoup.«
Album Jeunesse
Le lauréat dans la catégorie Album jeunesse est Gilles Bachelet pour Une Histoire d’Amour, paru chez Seuil Jeunesse.
Gilles Bachelet : « Je voudrais remercier Messieurs Robert Marais et Jean Paturel, qui ne sont pas très connus dans le milieu de l’édition, mais qui ont eu l’idée formidable de créer une fabrique de gants en caoutchouc, qu’ils ont nommés à partir des premières syllabes de leurs noms respectifs. J’éprouve depuis longtemps une fascination pour les gants Mapa. Je voudrais, quand même, aussi, remercier mes éditeurs et mes éditrices.«
Littérature francophone
Le lauréat dans la catégorie Littérature francophone est Franck Bouysse pour Glaise, paru à la Manufacture de livres.
Le prix est remis par le lauréat de l’an passé, Gilles Marchand, récompensé pour son roman Une Bouche Sans Personne (paru aux Forges de Vulcain). « Les libraires ont réussi ce qu’aucun grand prix n’est parvenu à faire : récompenser indifféremment les grands éditeurs, les moyens éditeurs, les petits éditeurs.«
Franck Bouysse : « Cet après-midi, à la gare, en écoutant annoncer les retards successifs dus au verglas, aux intempéries, aux affaissements de voies, etc., je me disais que la fin du monde n’était pas loin. Je me souviens que les libraires et moi, c’est une grande histoire. C’est un libraire qui, il y a quelques années déjà, m’a poussé à envoyer un manuscrit à un éditeur. Il est peut-être là d’ailleurs, ce libraire qui m’a lâchement abandonné pour s’installer à Paris, là où il est probablement impossible de trouver une grive rôtie digne de ce nom. C’est encore une libraire qui m’a conseillé de signer avec le Livre de Poche pour Grossir le Ciel. Et ce sont encore des libraires qui me font franchir cette paroi poreuse entre le polar et la littérature. Même si pour moi, la notion de genre n’existe pas. Je voudrais remercier mon éditeur, Pierre Fourniaud, qui se cache derrière moi, ainsi que mes éditeurs et éditrices du Livre de Poche. Je passe des heures toutes les semaines dans les librairies, et même si cela se termine souvent derrière un verre de vin, je reste un grand lecteur. Un grand merci aux organisatrices de ce prix, je suis très fier. »
[mks_separator style= »dotted » height= »2″]
À l’année prochaine pour le Prix Libr’à Nous 2019 !