[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]près le très réussi Le Tabac Tresniek, Robert Seethaler nous est revenu lors de la dernière rentrée littéraire d’automne avec Une vie entière, un petit bijou littéraire étonnant de simplicité.
C’est un peu comme si vous vous installiez dans la lecture d’un Maupassant, on pense à Une vie bien sûr, la similitude du titre n’est certainement pas anodine. L’auteur nous invite à suivre le court d’une existence d’un homme humble, Andreas Egger, dans les montagnes autrichiennes, de son enfance pas si tendre jusqu’à son dernier souffle. Orphelin très tôt il est accueilli par un homme sans cœur à l’âge de quatre ans, qui le frappe jusqu’à laisser notre jeune Andreas boiteux pour le restant de ses jours. Les coups du sort ne vont pas l’empêcher de vivre sa vie pleinement bien au contraire. Nous sommes dans les prémisses de la construction des premières lignes téléphériques, on a besoin de toutes les forces disponibles pour dompter la nature et le climat hostiles à l’homme. L’auteur nous donne à lire des morceaux de bravoure, on a l’impression de lire du Roger Frison-Roche avec des aventures dantesques au beau milieu des montagnes. Andreas rencontre Marie dont très vite il lui demande sa main malgré une timidité qui le tétanise et comme une pastorale à la Jean Giono, (Regain notamment), le couple vient s’installer dans la forêt à l’écart du monde et du village.
Mais au loin résonnent les murmures de la Guerre, Andreas est alors appelé à intégrer l’armée pour se rendre sur le Front à l’Est dans le Caucase où il va rester prisonnier plusieurs années. A son retour le village a bien changé et malgré les vicissitudes de la vie, le deuil, Andreas est bien décidé à continuer à profiter de la vie.
L’auteur adopte le ton juste, chaque mot est à sa place, pas un de trop ne venant alourdir la narration classique, sobre et magnifique. La qualité de soin apporté par la traduction d’Elisabeth Landes est à saluer tant elle restitue la poésie et l’émotion à fleur de peau qui se lit entre les lignes, les bonheurs simples, mais les peines aussi qui constituent le caractère de chacun d’entre nous au bout du compte. Il faut se laisser emporter par les descriptions de cette nature omniprésente et omnipotente. En filigrane, l’auteur nous interroge sur cette course au progrès, cette construction de ces lignes téléphériques qui va défigurer un écosystème immuable, n’est-elle pas le chant du cygne d’une époque où les hommes savaient écouter la nature et la préserver ? La montagne et la forêt sont dans ce roman des personnages à part entière magnifiés et personnifiés pourrait on dire, par la belle écriture de notre auteur nous invitant à les contempler et à nous en imprégner tout simplement à l’instar d’Andreas.
Une vie entière de Robert Seethaler, traduit de l’allemand (Autriche) par Élisabeth Landes, éd. Sabine Wespieser, octobre 2015
Image bandeau : © Urban Zintel