Arnaud Le Guilcher, maître incontestable du roman follement barré depuis son premier opus En moins bien (véritable long seller en Pocket) revient aux affaires avec Ric-Rac. Il est toujours impossible de résumer un de ses romans, tant les éléments s’enchevêtrent dans un maelström de folie, d’incongruités, de fantastique. Disons :
– Jeanyf, 14 ans, est un futur prodige du football français, mais son 1m40 lui interdit de poursuivre sa carrière à moins de gagner 20cm en deux mois. Il pourra heureusement compter sur les conseils de son oncle, herboriste à la renommée locale, pour trouver un remède miracle à sa petite taille.
– Jackyf, le père, obsédé par la disparition de sa femme, fait de sa maison un temple à Yvette, où le kitch règne.
– Le manoir voisin du Palais à Yvette vient d’être acheté par de riches citadins qui en font Le Silo, un temple du sexe débridé, auberge accueillant des énergumènes en mal de sensations fortes, à la manière de la célèbre Fistinière.
– Rajoutons un cousin clochard céleste qui rentre en contact avec les esprits, une histoire d’amour sadomasochiste entre deux enfants de 14 ans, une ambiance provinciale entre les Deschiens et Groland, du patois, des accents à couper au canif, et nous avons une bonne partie de Ric-Rac.
La spécificité des livres d’Arnaud Le Guilcher est de faire surgir de situations banales de grands moments de folie collective, où les individualités atypiques s’entrechoquent en cocktail explosif, le rire et l’autodérision sont les pierres angulaires de ces romans où pointe toujours le nez de la mélancolie, l’amour foireux, la filiation hasardeuse, une mère absente. Arnaud Le Guilcher n’est pas un écrivain de la belle langue, c’est un enfant de la blague, du vocabulaire fleuri, du gimmick, et ne fait jamais dans la porcelaine. Tout file à vive allure, il ne laisse pas deux secondes respirer son intrigue et son lecteur, chaque page est un défi à relever, une course contre la montre, et il arrive souvent de ressortir épuisé, harassé, d’une épopée pareille, on aimerait rire à chaque instant mais on ne peut plus suivre, l’extravagance s’insinue en nous à coups de marteaux et il est bien difficile, parfois, de ne pas vouloir souffler un coup avant de reprendre. Une faiblesse sans doute, mais son écriture perdrait-elle de son charme s’il s’encombrait d’enrober, d’étoffer, de tartiner son intrigue ?
Quoi qu’il en soit, il est bien rare, en lisant un livre, de vouloir prendre immédiatement l’auteur dans ses bras et de lui dire « merci ».
Arnaud Le Guilcher, Ric-Rac, Robert Laffont, 2015.
J’ai lu de deux ses romans, j’en ai pleuré de rire, et j’en ai aussi pleuré tout court. Il est follement barré et c’est un plaisir de le lire. J’irai probablement me procurer ce dernier opus !