Toutes les semaines retrouvez les brèves de lecture de l’équipe de chroniqueurs littéraires. L’occasion de revenir sur des lectures hors actualité immédiate.
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Les choix de Catherine
Retour de service de John Le Carré
traduit de l’anglais par Isabelle Perrin
Paru au Seuil, juin 2020
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[dropcap]J[/dropcap]ohn Le Carré, 89 ans au compteur, n’en a décidément pas fini de nous surprendre. Avec Retour de service, nous sommes certes loin des grands romans de la guerre froide, loin de L’Espion qui venait du froid et autres Gens de Smiley, avec leur vision terrifiante de la politique internationale et de ses turpitudes. Dans ce nouveau roman, Le Carré met en scène des vétérans du renseignement britanniques qui n’en finissent pas de se résigner à la retraite. L’un d’entre eux se voit offrir une mission crépusculaire : diriger une section où survivent une bande d’espions sur le retour… A-t-il conservé tout le recul nécessaire, saura-t-il, comme au bon vieux temps, déjouer les pièges qui l’attendent ? Ou bien tombera-t-il dans les redoutables chausse-trapes que lui réserve un monde moderne dont il ne comprend plus forcément les mécanismes, sans parler des êtres humains, dont les priorités lui échappent sans doute un peu trop. Humour grinçant, regard lucide sur le monde contemporain, analyse froide des enjeux du pouvoir, psychologie tout en finesse : un délice en 300 pages.
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Les oubliés de Londres de Eva Dolan
traduit de l’anglais par Lise Garond
Paru chez Liana Levi, février 2020
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[dropcap]A[/dropcap]près Les chemins de la haine et Haine pour haine, Eva Dolan s’éloigne de la région de Cambridge pour ce nouveau roman situé à Londres. Une capitale que ceux qui la connaissent depuis longtemps ont vu se métamorphoser ces trente dernières années sous les coups de boutoir conjugués de la finance toute-puissante et de la gentifrication galopante. Les oubliés de Londres est un roman noir, social et politique qui gravite autour de la jeune Hella, activiste qui a le vent en poupe et de son amie sexagénaire Molly, militante de toujours. Molly est une des dernières occupantes d’un immeuble au bord de la Tamise, convoité par des promoteurs prêts à tout pour « déblayer le terrain ».
Ce soir-là, Hella a organisé une fête au dernier étage du bâtiment pour célébrer la sortie de son livre sur les oubliés de Londres. Ce soir-là, un homme trouve la mort dans le bâtiment, et Molly aide sa jeune amie à pousser le cadavre dans la cage de l’ascenseur, hors service depuis longtemps. Car l’homme s’en est pris à Hella, qui l’a tout bonnement tué… Qui était cet homme, que voulait-il ? L’événement va sonner le glas d’une amitié bientôt rongée par les mensonges et les suspicions. L’effritement de la relation va amener Molly à se poser de sérieuses questions sur les motivations réelles de Hella, et ce qu’elle va découvrir à la fin du roman constitue un coup de théâtre tragique et une épouvantable trahison… Un beau roman noir, avec un suspense soutenu et un malaise grandissant au fil des pages, signée par une autrice à suivre de très près.
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Le choix de GringoPimento
Le Flocon de Bertrand Santini et Laurent Gapaillard
Paru chez Gallimard Jeunesse, octobre 2020
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[dropcap]C[/dropcap]‘est déjà la deuxième fois que Bertrand Santini et Laurent Gapaillard unissent leurs talents pour une œuvre. La première, c’était pour Le Yark, un immense livre. Il était risqué de recommencer ! Dans un registre tout à fait différent, Le flocon est également une très très grande réussite. Une fois n’est pas coutume, parlons tout d’abord des illustrations de Gapaillard tant elles sont merveilleuses. Le très grand format, dit « à l’italienne » sied particulièrement bien à ces dessins en noir et blanc, fourmillant de mille détails, tant et si bien qu’on pourrait presque se contenter de les regarder, de les admirer pour lire cet album. On pense parfois à Jérôme Bosch mais aussi, plus près de nous à M.C. Escher. Les dessins, oui mais le texte ?
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Une fois encore, Bertrand Santini nous éblouit. Capable de passer du registre plutôt grivois de sa petite chienne Gurty à cet univers tout à fait classique (comme dans Le Yark d’ailleurs), Santini, ici, fait preuve de plus de retenue, comme s’il avait conscience de la qualité des dessins qu’il accompagne. Rimes riches, quatrains, clins d’oeil et ironie mordante, démonstration de la puissance de la science, Santini s’amuse en s’inspirant d’un conte de 1610 signé Johannes Kepler.
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C’est la nuit du nouvel an et le roi reçoit. ses courtisans qui accourent et offrent des cadeaux plus beaux les uns que les autres. Tous rivalisent d’inventions et de flagornerie. Tous sauf un : le mathématicien Johann qui arrive les mains vides. Scandale ! Évidemment, il y a une astuce, directement trouvée dans le titre. Mais pour en savoir plus, précipitez-vous pour offrir Le Flocon à Noël. Ce livre, cet album est une merveille.
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Les choix de Dominique
Ce qui nous sépare de Hélène Aldeguer
Paru chez Futuropolis, Mai 2020
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[dropcap]B[/dropcap]ilal arrive de Tunisie pour faire ses études en France. Il y a obtenu une bourse. Sa sœur, Amira, n’aura pas cette chance. Impossible qu’elle soit accordée deux fois à la même famille.
Ce qui nous sépare de Hélène Aldeguer, est une peinture délicate et sensible de la vie de ce jeune musulman, toute en nuance colorée de bleu et d’orange. Avec son amie, aimante et compréhensive, il se trouve confronté aux idées reçues et au racisme latent. Les amalgames sont nombreux. Les échanges souvent houleux avec les autres étudiants.
Ainsi, une discussion anodine sur un départ à l’étranger pour un travail tournera vite à la vexation : expatrié ou immigré, ce n’est pas pareil. Mais Bilal a du mal à le faire entendre, constatant qu’il est récurrent de renvoyer les arabes à l’immigration.
À fleur de peau, le personnage principal de Ce qui nous sépare nous emmène sur les chemins d’une actualité douloureuse et faite de petits détails souvent maladroits. Toujours utile.
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La Cage aux cons de Matthieu Angotti et Robin Recht
Paru chez Delcourt, octobre 2020
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[dropcap]Ç[/dropcap]a sonne bien. La cage aux cons est l’adaptation réussie d’un polar de Franz Bartelt paru chez Gallimard en 2006.
La BD est signée Matthieu Angotti et Robin Recht, déjà à la manœuvre avec Désintégration, journal d’un conseiller à Matignon (Delcourt). Cette fois, on pourrait croire que la politique s’est éloignée du propos. Il n’en est rien !
L’histoire met en scène un gros naze à la dégaine incertaine, humaniste à ses heures parce que « basé sur l’idée de gauche ». Mais attention, le garçon n’est pas contre le pognon, puisque l’amour de sa vie est pour ! Là, on parle de Karine, pour laquelle notre héros débonnaire n’hésitera pas à braquer un bourgeois ivre mort qui s’est vanté de stocker des billets dans sa salle à manger.
Un vrai con ce Jacques, beau parleur et suffisant. Mais quand ses mains se referment sur un flingue, obligeant la petite frappe à devenir son hôte, la donne va changer. La question est : pour en venir où ? Les cadavres qui s’entassent dans la cave pourraient être une première réponse.
Ouvrage en noir et blanc, dessiné avec un trait épais et enveloppant, La cage aux cons est un petit régal d’humour noir, original et surprenant.
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Les choix de Sandrine
Ce que je ne veux pas savoir et Le coût de la vie de Deborah Levy, traduit de l’anglais par Céline Leroy
Parus chez Éditions du sous-sol, août 2020
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[dropcap]L[/dropcap]a rentrée littéraire mettait récemment en lumière deux courts récits autobiographiques d’une écrivaine jusqu’alors peu connue en France, Deborah Levy. Née en 1959 en Afrique du Sud, la Britannique y raconte son parcours d’auteure et de femme émancipée dans une prose limpide et érudite, qui vient de lui valoir le prestigieux Prix Fémina étranger.
Manifeste littéraire et féministe, ce dyptique fascinant plonge le lecteur dans la vie de l’écrivaine, de son enfance africaine marquée par les combats de son père contre l’apartheid au déménagement de sa famille en Angleterre, de l’explosion de son mariage et la perte de tout repère et certitude à sa dépression et à sa reconstruction grâce à l’amour des siens et à la passion des mots.
Cette incursion dans les méandres de la mémoire et de l’âme de Deborah Levy est un véritable voyage. On sort de cette lecture ébloui par le parcours et par le talent, la sensibilité et la lucidité de cette digne héritière de Virginia Woolf ou Marguerite Duras. On en sort également convaincu que la liberté, l’indépendance, la quête de sens et de soi ne se conquièrent jamais sans difficultés ni renoncements. Une œuvre puissante et libre au cœur de l’intime et de la mémoire, qui dit le pouvoir salvateur de l’écriture. A découvrir absolument.
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