Ntre cœur battrait-il toujours fort à l’Est en cette année 2022 ? Pour Addict-Culture sans aucun doute ! D’abord parce que nous venons d’accueillir une nouvelle rubrique, Á l’est du nouveau, pour vous permettre via la littérature et la non-fiction de mieux comprendre cette partie de l’Europe vers laquelle notre regard se porte et que nous continuons à soutenir avec nos armes de papier et de carton. Ensuite, parce qu’après un écrivain croate en 2021 nous avons élu en tête de notre palmarès 2022 un écrivain bosnien, Semezdin Mehmedinović pour son roman Le matin où j’aurais dû mourir publié à la jeune maison d’édition Le bruit du monde. Ce texte, bouleversant road trip père/fils, a su nous interpeller autour de cette simple et douloureuse question, « Que ressent-on à la fin de sa vie, quand en raison des migrations et des déplacements, on comprend qu’on doit mourir loin de chez soi, de sa langue et de sa culture ? »
De langues, de déplacements forcés, de migrations et de retours il en est partout question dans notre sélection. Que ces thèmes habitent des récits d’aventures ou des récits de vie ils tissent des textes puissants, des textes que vous n’oublierez pas. Pas plus que ces femmes qui, sirène des mers, exilées où seulement filles maltraitées doivent façonner leur existence avec leurs poings et leur rage, mais aussi beaucoup de poésie. Vous l’aurez compris notre sélection 2022 est une sélection d’émotions fortes, de chavirements littéraires publiés souvent par des éditeurs indépendants qui attestent de la vitalité de l’édition et de la traduction françaises. Mettez vite un de ces ouvrages au pied de votre sapin, vous verrez il brillera immédiatement plus intensément !
Le matin où j’aurais dû mourir de Semezdin Mehmedinovic traduit par Chloé Billon
L’endroit où l’on meurt a-t-il de l’importance ? C’est ce dont prend violemment conscience Mehmed le jour où une crise cardiaque le conduit aux confins de la mort dans un hôpital américain de Washington D.C. Il faut dire que Mehmed n’est pas américain mais y vit depuis qu’il y a émigré au milieu des années 1990, après la dislocation de la Yougoslavie et le siège de Sarajevo. D’ailleurs il ne s’appelle pas non plus Mehmed mais le personnel médical peut habile avec les consonances des Balkans s’autorise promptement cette petite simplification. Suite de l’article
Attaquer la terre et le soleil de Mathieu Belezi
Reprendre la tragédie de la colonisation à sa source c’est déjà ce qu’avait fait Mathieu Belezi dans sa Trilogie Algérienne (C’est notre terre, Les vieux fous, Un faux pas dans la vie d’Emma Picard,) publiée entre 2009 et 2015, et comme l’avait fait également avant lui Jacques Ferrandez dans sa magistrale BD Carnets d’Orient. Mathieu Belezi revient aujourd’hui sur cette période insensée de l’histoire coloniale de la France avec un texte incandescent publiée au Tripode, Attaquer la terre et le soleil…. Suite de l’article
Fantaisies Guérillères de Guillaume Lebrun
C‘est Yolande d’Aragon, dite « YO », qui a eu cette idée folle : pour sauver le royaume de France, il lui faudra une école. Une « war academy », la seule capable de dégoter et de former une guerrière prophétesse qui boutera les anglais loin du trône. Yolande envoie donc ses chevaliers dégoter quinze jeunes filles parmi lesquelles se trouvera cette pépite. Des jeunes filles qui seront soumises, dans le plus grand secret, à un apprentissage tout spécialement imaginé pour distinguer la plus capable : l’élue…. Suite de l’article.
Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon
Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon dans la collection Ma nuit au musée aux éditions Stock m’a bouleversée et émue, comme peu de livres parviennent à la faire. J’y retourne encore, je relis des phrases, des chapitres au hasard, j’ai beaucoup de mal à le quitter. Lola Lafon passe une nuit au Musée Anne Frank, dans l’Annexe : environ 40m² qui ont abrité 8 personnes pendant 25 mois. Écrire ce récit est une évidence pour Lola Lafon, Anne Frank s’impose à son esprit sans aucun préalable, sans préméditation, sans l’annoncer. Elle surgit….. Suite de l’article
V13 d’Emmanuel Carrère
Jamais là où on l’attend, toujours surprenant, Emmanuel Carrère. Après l’affaire Jean-Claude Romand, un livre sur le christianisme, un autre sur un auteur russe et quelques uns plus autobiographiques, il propose avec V13 son regard sur le procès des attentats du 13 novembre qu’il a suivi pendant une année entière pour le compte de l’Obs. Ce nouveau livre compile des chroniques hebdomadaires parues dans le journal, chroniques qu’il a revues et augmentées. On ne se lancera pas dans la lecture de gaieté de cœur et on pleurera pendant, avec Carrère, avec les victimes, autant prévenir tout de suite les futurs lecteurs.…. Suite de l’article.
Iochka de Cristian Fulas traduit par Florica et Jean-Louis Courriol
On lit Iochka comme on écouterait une histoire au coin du feu. Le récit est ample, généreux, emporte le lecteur dans son sillage et le lecteur ouvre les yeux dans une vallée roumaine, au creux des Carpathes, à suivre le destin de Iochka, celui de ses amis, le destin d’un pays. La Seconde Guerre fait du jeune Iochka un enfant de troupe auprès de l’armée roumaine engagée dans les combats sur le Don. S’il ne fait pas partie des quelques 150 000 soldats roumains qui y ont laissé la vie en 1942, Iochka est fait prisonnier par l’armée soviétique et il passe plus de sept ans dans un camp de travail… Suite de l’article
Une mère éphémère de Emma Marsantes
Cela a existé parce que je ne m’en souviens plus ». C’est sur cette paradoxale déclaration que s’ouvre le premier roman d’Emma Marsantes, Une mère éphémère, qui parait en cette rentrée aux exigeantes éditions Verdier. Difficile de ne pas être immédiatement percuté par l’intensité et la justesse du style qui fait d’abord et principalement de ce texte très dur, un morceau de littérature, en surcroît ou en dépit du tragique de son propos. Il faut néanmoins y revenir car le sujet de ce livre est de plomb en fusion, de noirceur gluante, d’effroi glaçant. De quoi la jeune Mia, celle qui tente de nous dire son histoire, ne se souvient-elle pas…. Suite de l’article
Le soldat désaccordé de Gilles Marchand
Après une collaboration avec Jennifer Murzeau pour écrire Le second souffle, Gilles Marchand est de retour en solo avec un nouvel opus : Le soldat désaccordé. Drôle de titre. Rassurez-vous, l’explication viendra à la toute fin du roman. Soldats, guerre, 14-18, poilus, boches, obus, déluge d’acier. Oui, on pourrait penser à Un long dimanche de fiançailles de Japrisot. Car en plus Gilles Marchand nous raconte l’histoire d’un soldat disparu. Sa mère le recherche désespérément et engage notre narrateur pour tenter l’impossible : le retrouver. Elle a la certitude qu’il est vivant. … suite de l’article
Rien pour elle de Laura Mancini traduite par Lise Chapuis et Florence Courriol
Les portraits de femmes a priori ordinaires n’ont pas fini de faciner. Plus encore lorsqu’elles évoluent dans un monde en marge, de ceux que l’Histoire aura vite fait d’oublier : ici, Rome dans sa grande pauvreté, depuis les années de guerre jusqu’à la fin du siècle dernier. Loin, très loin de la Dolce Vita. La vie de Tullia est faite de combats. De cette enfance volée par la nécessité de travailler, de sa mère mal aimante et de son père brisé, elle se construira malgré ses obstacles, refusant de céder à la facilité, refusant de toucher à son bien le plus précieux : sa dignité. … suite de l’article
Filles de l’Est, femmes à l’Ouest sous la direction d’Elisabeth Lesne
Trente-trois ans sont passés depuis que le mur qui coupait l’Europe en deux est tombé. Et pourtant, vue de l’Ouest, la partie orientale du continent demeure méconnue, au mieux quelques clichés gris et un certain nombre d’idées reçues, inchangées depuis trente ans, continuent à peupler l’imaginaire occidental. Absentes de cet imaginaire, les millions de vies avec tout ce que la vie comporte d’universel, même au sein de régimes totalitaires; les enfances, les adolescences, les amours, les mariages, les naissances, les tristesses et les chagrins d’amour, bref, tout ce qui bâtit l’existence humaine. Assignés, semble-t-il, à une image d’Epinal du type “Good bye, Lénine”, les pays de l’Europe de l’Est demeurent aujourd’hui encore passablement méconnus, voire inconnus à l’Ouest… Suite de l’article
Le Pion de Paco Cerda traduit par Marielle Leroy
Un proverbe italien, rapporté par Paco Cerdà dans son brillant livre, Le pion, qui parait en cette rentrée littéraire à La Contre Allée, rappelle qu’« à la fin de la partie, le roi et le pion retournent dans la même boîte ». Cette égalité de traitement, on pourrait dire de position, qui devrait amener l’ensemble des pièces de l’échiquier à plus de modestie et de tempérance n’est effectivement pas ce qui se joue au cours des difficiles parties de nos existences. Prenant comme fil rouge la narration du parcours de deux grands joueurs d’échecs, Arturo Pomar et Robert James Fischer, Paco Cerdà transforme une simple ouverture en une incroyable fresque politique et une réflexion originale sur notre humaine condition…. Suite de l’article
Tibi la blanche de Hadrien Bels
Après le très remarqué Cinq dans tes yeux, Hadrien Bels nous revient pour cette rentrée littéraire avec un second roman comme un hommage à la francophonie. Nous sommes à Thiaroye, un quartier proche de Dakar, dans lequel des lycéens viennent de passer le bac. Ils attendent avec angoisse et espoir les résultats qui vont leur ouvrir des chemins différents en fonction de leurs notes et en filigrane, leur classe sociale ; certains pourront partir à l’étranger, à l’Hexagone comme dirait Léonora Miano, parce qu’ils ont un oncle là-bas par exemple. D’autres resteront à quai et se débrouilleront dans le marché de Dakar pour trouver un job…. Suite de l’article
Les reines d’Emmanuelle Pirotte
Après un passage chez Philippe Rey pour un Rompre les digues qui m’avait laissé sur ma faim, voici déjà le retour d’Emmanuelle Pirotte. Et un retour en très grande forme. Les reines est son meilleur roman. Le plus aventureux, le plus complexe, le plus surprenant. Une très très grand réussite.
Emmanuelle Pirotte y mêle sa science de la narration, un désir de politique et de sociologue ainsi qu’une histoire d’amour magnifique. Elle brasse tous ces sujets et en tire une oeuvre qui va rester dans nos mémoires. À l’image d’Emily St John Mandel dans Station eleven ou de Chris Dolan dans La colonie, Pirotte insère dans son texte un vibrant hommage à la littérature, notamment au théâtre et à Shakespeare…. Suite de l’article
Tenir sa langue de Polina Panassenko
Lors des prochaines semaines je vous parlerai de quelques titres parus pour la rentrée littéraire. Il ne s’agit pas forcément de traductions, pas toujours, mais de textes qui m’ont interpellée, qui parfois se répondent et même se complètent. L’Est européen y est toujours présent. J’ai été emportée, émue, j’ai pleuré de rire et j’ai pleuré tout court avec Tenir sa langue de Polina Panassenko aux éditions de l’Olivier. Sa langue est virevoltante, irrévérencieuse – comment pourrait-il en être autrement lorsqu’il faut prouver à une administration que le prénom de naissance est préférable à celui francisé par souci parental d’intégration ? … Suite de l’article
Strega de Johanne Lykke Holm traduit par Catherine Renaud
Dans son dernier ouvrage, Tout une moitié du monde, Alice Zeniter se déclare en recherche d’autres formes que le roman as usual pour dire notre temps. Il se pourrait que Strega, premier texte traduit en français de Johanne Lykke Holm qui parait cet automne aux éditions La Peuplade puisse, en ce sens, se voir qualifier du titre prometteur de roman not as usual. Tout commence pourtant comme la plupart des textes en plantant un personnage au centre du décor, la jeune Rafaela, s’éveillant nue au milieu de sa chambre; la fenêtre est ouverte. …. suite de l’article
Capitaine Vertu de Lucie Taïeb
Parfois après une lecture un peu longue et fastidieuse (je ne dirai pas laquelle), j’ai envie d’un petit livre inconnu, dont je ne sais quasiment rien, dont je connais à peine la maison d’édition ou l’auteur(e). Parfois, ça marche, à d’autres moments, un peu moins. Pour le livre dont je vais vous parler ici, la surprise a été totale. Dans ma très grande pile de lecture (en retard), il y avait ce Capitaine Vertu, qui n’était pas ma priorité. Je m’en saisis presque avec remords pour tous les autres qui attendent. La couverture avec sa balance de la justice déséquilibrée (de quel côté, je ne sais) m’intrigue…. Suite de l’article.
Héroïne de Tristan Saule
L’héroïne, c’est la solution trouvée par Tonio pour ne pas rester un sous-caïd du quartier – bientôt figé par l’arrivée du Covid. L’héroïne, c’est aussi ce que devient malgré elle Laura, une infirmière hospitalière – bientôt happée par l’arrivée du Covid. Mais l’héroïne, c’est surtout cette Place Carrée, un coin de banlieue ordinaire et délabrée – bientôt asphyxiée, le mot n’est pas trop fort, par l’arrivée du Covid et des mesures sanitaires associées. Un mot polymorphe donc, qui irrigue parfaitement de folles histoires enchevêtrées à l’extrême dans ce roman palpitant…. Suite de l’article.
Récitatif de Toni Morrison traduit par Christine Laferrière
Toni Morrison n’écrit pas pour nous raconter des histoires, fussent-elles ô combien émouvantes. Elle écrit parce que c’est un geste d’engagement ; elle écrit pour que nous soyons demain des autres femmes et des autres hommes ou des femmes et des hommes autrement. La nouvelle Récitatif, la seule que Toni Morrison ait d’ailleurs écrite à côté de ses onze romans, est un exemple particulièrement saisissant de la puissance de l’écriture de la lauréate du prix Nobel de littérature. Les Éditions Bourgois en proposent une belle livraison (la maquette du livre est très réussie !), dans une traduction de Christine Laferrière, accompagnée, en postface, d’une lecture féconde et éclairante du texte par la romancière Zadie Smith. … Suite de l’article
Les marins ne savent pas nager de Dominique Scali
Un livre monde, voilà à quoi vous vous attaquez avec Les marins ne savent pas nager de Dominique Scali paru aux éditions La Peuplade. 700 pages étonnantes, étincelantes et captivantes du premier au dernier instant. Dans ce roman, on suit les aventures de plusieurs personnages ainsi que celles d’un île : Ys et des ses habitants. Ceux qui sont rejetés sur le bord et tentent à tout prix d’intégrer la cité. Ceux qui y vivent et en profitent pleinement. Tout est éblouissant ici. De la langue presque inventée par Dominique Scali (à laquelle on se fait très vite), à la sociologie et la politique de la cité jusqu’aux grandes aventures du personnage principale, la magnifique et intrigante Danaé Poussin. … Suite de l’article
Moby-Dick ou le cachalot d’Herman Melvill et Anton Lomaev traduit par Philippe Jaworski
En octobre 2017 les éditions Sarbacane proposaient une première version de Moby-Dick en version expurgée, 168 pages avec déjà les sublimes dessins d’Anton Lomaev. C’était déjà une belle réussite. En novembre 2022, revoici Moby-Dick chez Sarbacane. Toujours le même dessinateur pour une version intégrale cette fois de plus de 600 pages grand format avec des nouvelles illustrations. Nous sommes toujours dans la belle collection des Grands classiques illustrés, qui compte déjà plusieurs titres, et Sarbacane nous régale encore une fois. … Suite de l’article.
Hoka Hey ! de Neyef
Une bande dessinée à offrir pour Noël ? Ne cherchez pas plus loin, Hoka Hey ! est un chef d’œuvre. Si vous aimez les westerns, c’est bien celui là qu’il vous faut. L’auteur, Neyef, nous propose une plongée directe dans une Amérique encore sauvage et indomptée. Georges, lui, de son côté, a perdu ses origines depuis longtemps. Orphelin et adopté par un pasteur blanc qui lui apprend la Bible, il se rêve en futur docteur. Sa rencontre avec les indiens No Moon, Little Knife et l’irlandais Sully va bouleverser sa vie et lui montrer ce que sont réellement ses origines, celle d’un indien Lakota. Hoka Hey est emprunt d’une grande violence. Mais c’est aussi un album contemplatif, lent et doux parfois, notamment dans les relations qui se tissent petit à petit entre Georges et ses deux compères indiens…. Suite de l’article