Pour poursuivre cette découverte du monde ludique dans les colonnes d’Addict-Culture, j’ai choisi de ne pas trop vous dépayser. Si vous avez expérimenté les premiers jeux, particulièrement Sea Salt and Paper, vous pourrez assez rapidement prendre ce District Noir en main.
District Noir est un jeu des japonais Nao Shimamura et Nobutake Dogen, relocalisé en France en 2022 par l’éditeur Spiral Éditions, dont il s’agissait de la première réalisation. Cela signifie que l’éditeur français a réutilisé la mécanique de ce jeu découvert au Japon pour le réadapter en modifiant l’univers et en réinventant la ligne graphique des cartes.
Dans ce jeu, vous jouerez en duo et vous vous affronterez. L’objectif de chacun est de devenir le personnage le plus influent d’une ville vérolée par la criminalité. Si vous avez été moins séduit par l’ambiance onirique de Sea, Salt and Paper, vous voilà face à un univers plus concret, dont le matériel est redoutable avec son jeton de poker et ses cartes de grande taille.
Ce jeu se joue en quatre manches très courtes (3 minutes chacune environ), et on ne pourra « subtiliser » des cartes qu’une fois par manche. Il s’agira donc de le faire au bon moment, ni trop tôt (quand les ressources sont insuffisantes), ni trop tard (quand il n’y a plus rien à prendre ou plus le temps d’en profiter). N’est-ce pas une belle métaphore de la vie ?
Le premier twist, c’est qu’avant de la « gagner », le joueur doit déposer une carte dans la « rivière » commune (un terme technique pour parler d’une suite de cartes placées entre les joueurs et visibles de chacun). De fait, la carte présente dans notre main ne nous appartient pas, et l’on risque toujours de permettre à l’adversaire de s’en saisir. Il faudra choisir le bon moment pour la déposer, étant entendu qu’à tout moment (et une fois par partie), chaque joueur peut prendre les quatre dernières cartes de cette rivière.

Démarre alors ce fameux « guessing » que j’évoquais dans Sky Team, mais cette fois de manière compétitive. Il s’agit d’entrer dans le cerveau de l’adversaire en plaçant par exemple une carte « bonne mais pas trop » dans la fameuse rivière afin qu’il se serve, et ne puisse plus profiter des meilleures cartes qui y entreront ensuite (car on ne peut se servir qu’une fois par manche, souvenez-vous!). Bluff, contre-bluff, double-bluff, tous les moyens seront bons pour récupérer les cartes de forte valeur.
Je ne cherche pas à être exhaustif dans les règles (encore une fois, les règles sont très bien rédigées par l’éditeur), mais plutôt à faire comprendre les tensions qui naissent autour de la table. Enfin, dernier twist, à la manière des 4 sirènes de Sea, Salt and Paper, si vous rassemblez les trois cartes bâtiments, vous remporterez la partie, même si vous étiez archi-dominé. Autant vous dire que quand l’adversaire a récupéré deux bâtiments, c’est la panique !
District Noir était une belle surprise ludique de l’année 2022 et, à l’heure où plusieurs centaines de jeux sortent chaque année et sont aussitôt oubliés, il conserve son statut de valeur sûre et a même permis à son éditeur de devenir un acteur tout à fait sérieux du monde ludique, d’autant plus que son nouveau titre, Présages, sorti en début d’année, est un nouveau succès critique.



